La posture du psychanalyste


Nous situons, en tant qu’analyste, le savoir, chez la personne souffrante elle-même. C’est elle qui sait. Ça n’est pas la posture médicale ou para-médicale où le savoir est situé du côté du praticien. Le savoir sur le symptôme c’est l’analysant qui le produit petit à petit, étant guidé en cela par son analyste. L’analyste est à l’affût des affleurements inconscients, ou des mécanismes de répétitions, pour les signaler. Son travail porte par sa présence et son attention à ce qui est dit et à ce que, lui, peut induire, dans la cure.



Sur le transfert et le contre-transfert

On ne demande pas à l’analysant de dire ou de faire quoi que ce soit si ce n’est de se conformer aux deux règles fondamentales du travail en psychanalyse qui sont: 

  1. Dire tout ce qui nous vient à l’esprit ;
  2. Le faire sans sélection de ce qu’on a à dire.

2 règles: La première règle repose sur le principe du travail de l’analysant et qui s’appelle le transfert et qui correspond à la confiance que l’analysant fait à son analyste, pour pouvoir « tout lui dire ». Son travail le plus particulier est de ne pas sélectionner ce qu’il a à dire, comme ça lui vient, et ça lui demande de consentir en outre à la méthode de l’association libre. L’énonciation doit être libérée de ce que l’analysant peut lui faire subir de vouloir le limiter à, par exemple, uniquement ce qui est « entendable ». Mais les associations, ou énonciations de l’analysant sont susceptibles d’être une nouvelle fois contraintes par les interprétations que l’analyste peut leur faire subir. Et ici il s’agit du contre-transfert qui pousse l’analyste à penser des choses sur l’analysant et ce qu’il dit en dehors de ce qui est dit par l’analysant. Ce deuxième travail de libération de l’énonciation des associations doit être fait cette fois par l’analyste lui-même sur son contre-transfert.

Ce qui permet à l’analysant de faire son travail de non-sélection, c’est le transfert lui-même, à savoir la grande confiance que l’analysant porte à son analyste et qui repose sur la pensée que l’analyste possède le savoir sur sa souffrance.

Ce qui permet à l’analyste de faire son travail sur le contre-transfert qui lui incombe, dans lequel il se trouve pris mais tout en s’y prêtant, ce sont deux choses: 

  1. La première est l’expérience de sa propre cure psychanalytique qui lui permet de déjouer les effets de ses propres tendances et idéaux internes;
  2. La deuxième est le savoir qu’il tire de ses expériences de praticien et de chercheur, qui lui permettent de reconnaître plus rapidement certains schémas ou mécanismes déjà entrevus ou étudiés, types de symbolisations ou de défenses typiques, mises en jeu du corps dans certaines structures ou processus psychiques, identifications, rapport au réel et à la jouissance.

Causes et inconscient

Les causes héréditaires ou phylogénétiques, qu’elles soient constitutionnelles du psychisme, de l’ordre d’organisations psychiques héritées à plus ou moins long terme en amont, à savoir les structures psychiques internes stables chez l’individu ou bien les traditions sociales, les lois, ou bien qu’elles soient génétiques, ne rentrent pas dans la liste des causes traitables en elle-mêmes par la psychanalyse ou la psychothérapie analytique, bien qu’elles soient à plus d’un titre causes participantes dans les névroses humaines personnelles. C’est le travail de Freud qui a pris le parti d’en faire la différence pour acquérir plus de lumières sur ce sur quoi il était peut-être malgré tout possible d’agir pour améliorer l’état d’un névrosé. En avoir la conscience permet de comprendre mieux comment entrevoir des progrès dans le rétablissement de la personne. C’est d’avoir vu que cela pouvait se passer sur le plan du symbolique que le choix freudien tire son argument. 

Nous serions issus dans notre conformation psychique d’héritages ancestraux culturels qui nous déterminent jusque dans les images que nous pouvons avoir du monde comme dans les rêves en particulier ou dans les contes. Freud a appelé cette langue primordiale que nous parlerions sans le savoir « La Symbolique » et se rapproche en cela de Jung et des « complexes » préformés des mots dans l’inconscient. A partir d’un inconscient culturel général que chacun articulerait à sa manière, à partir de sa structure psychique propre, à la fois héritée de temps ancestraux dans sa structure souche (ça, préconscient, surmoi, moi) et acquis de temps moins anciens qui donnent leur style à certaines structures inconscientes plus récentes comme le surmoi, ou encore fabriqué à partir de l’interaction entre l’histoire de l’individu, cette fois l’histoire la plus récente, en rapport avec leur rencontre des nécessités pulsionnelles.C’est à cette intersection que se trouve l’ambition Freudienne de pouvoir remettre en place parfois certaines sous-structures acquises le plus récemment celles pulsionnelles au cours de certains évènements chez l’individu ou encore entre les différentes sortes d’exigence pulsionnelles (surmoi/ça/moi). C’est à ce niveau-là que Freud se distingue franchement de l’hypothèse Jungienne qui se situe sur les archétypes culturels, où c’est socialement que l’individu se soignerait. Pour Freud, la solution individuelle de la guérison ne se situerait pas dans l’apprentissage de ce que serait cette symbolique, mais plutôt dans le fait de recouvrer la mémoire des choix inconscients et son âge présent. Retrouver les linéaments de l’histoire personnelle qui l’ont mené jusqu’ici, dans ces empêtrements ou les déterminants n’apparaissent pas à la conscience.

Et ce qui est inconscient d’une certaine manière c’est ce qui a été censuré par la civilisation une première fois et qui serait inscrit en chacun de nous sous la forme de la structure psychique. Et c’est une fois de plus refoulé de la part de l’individu lui-même lorsqu’il y a une interaction malencontreuse en elle-même ou avec la réalité. Les couches les plus récentes inconscientes, du temps du vécu de la personne, sont parfois apréhendables selon Freud. Même s’ils ont été refoulés et sont en cela, inconscients, donc hors de portée à priori pour les efforts des souvenirs conscients, il leur reste encore une capacité à être liquidés par des agissements conscients, si on intervient thérapeutiquement pour les guider à cela. Parfois le hasard aussi le permet. En cela la personne se libère d’une pression conflictuelle à l’origine de sa souffrance psychique.

Dans le temps plus ou moins long pris par la personne pour mettre en place des réponses opérationnelles à ces conflits persistants ou voit apparaître des modes d’agir qu’on dira « défensif ». Ça peut aller de symptômes complets, par exemple une phobie ou paralysie ou bien des dénis, ou des défenses plus archaïques et moins construites. C’est à ce moment-là, souvent qu’entraînant des relations au monde conflictuelle, elles créent aussi de la souffrance à devoir assumer cela. Simplement, on ne voit pas la relation avec la forme qu’a fini par prendre le conflit originaire en cause, d’autant que ce dernier est toujours resté inaperçu. Il y a un double aveuglement pour la personne en souffrance.